Hôpital Armand Trousseau (AP-HP)

« Autour de moi, des gens

Qui me veulent du bien

Moi, j’attends patiemment

Au seul rythme du soin

Bientôt, je nagerai

Dans des eaux loin d’ici

J’atteindrai des sommets

J’oublierai mon ennui »

« La passion reviendra

Quand j’aurai décidé

Pour l’instant je suis las

Un peu démotivé

Là, j’ai envie de rien

Juste manger les heures

Et attendre demain

Attendre un jour meilleur »

« J’ai des mondes infinis

Qui communiquent entre eux

En moi, tout est permis

Pas de loi, peu d’enjeux

J’ai pas peur de la vie

Parfois j’ai peur des gens

Les bastons, les conflits

Qui conduisent au néant »

« Dans le fond de mon cœur

Il y a un garçon

Il m’appelle « ma sœur »

Je me fais une raison

Si je pouvais lui dire

Que moi, je l’aime d’amour

Je l’aime… à en rougir

Et ce depuis toujours »

Si j’étais une danse

Je serais le tango

Un instant de romance

Fier, puissant, libre et beau

Si je n’étais qu’un songe ?

Je serais véritable

Si j’étais un mensonge ?

Je serais pardonnable  »

64 heures passées auprès des jeunes hospitalisé•es
9 artistes mobilisés (musiciens, danseurs, comédiens)
6 services investis
110 bénéficiaires
(18 heures de formation et accompagnement)

L’association Le vent nous veut a investi plusieurs services pédiatriques de l’hôpital Armand Trousseau AP-HP entre juillet et décembre 2024.
Le collectif d’artiste est parti à l’aventure des jeunes pour les mettre en situation… de créer. Se rencontrer. Se raconter. Pour de bon.
De ces rencontres détonantes est né un
« poème fleuve », alimenté par le tumulte de cette jeunesse vive et enthousiaste, traversée par des élans poétiques purs et légitimes.

« Ma parole a du sens

Mais tu la mets en doute

Moi, je toise ton silence

Et je reprends ma route

Ma pensée fait ses choix

Elle s’évade chaque nuit

Et mon crâne est ton toit

Et mon cœur est son lit »

« Ma sœur c’est tout pour moi

Je veux la protéger

Des garçons, des tracas

J’ai peur de l'étouffer

J’ai pas à décider

J’essaie de m’apaiser

Rester sur le côté

La laisser respirer »

« Je décide de pouvoir

Et de me sentir forte

J’ai toujours mon espoir

Et je ne suis pas morte

Ma pensée m’appartient

Je peux te la confier

Si elle te fait du bien

Qu’elle te fait avancer »

« J’étais le papillon

Qui, face aux vents violents,

Entre en rébellion

Lutte contre l’épuisement

La tempête est passée

Et je suis fière de moi

Papillon libéré

Prête à trouver la voix »

Le directeur artistique et pédagogique nous en dit plus sur cette opération…

1. Comment vous êtes-vous retrouvés à intervenir auprès des adolescents hospitalisés ?

Depuis de nombreuses années, le collectif d’artistes de l’association Le vent nous veut intervient dans le champ hospitalier dès qu’il en a l’occasion (Necker, Debré, La Pitié Salpêtrière, Bretonneau, Charles Foix…) dans tous types de services (gériatrie, neurologie, oncologie, soins palliatifs, psychiatrie, etc.).

Dans le cadre d’une convention naissante avec l’APHP, et au détour d’un rendez-vous, Barnabé Louche et Inès Meurisse du Mécénat / Culture ont décidé de nous allouer un budget pour mener une opération avec les adolescents hospitalisés à Armand Trousseau : nous avons accepté immédiatement. Les objectifs étaient clairs : passer du temps avec les jeunes, valoriser leur bagage culturel, partager avec eux nos outils et savoir-faire pour les mettre en situation de créer, de leur (re)donner le goût de la lecture et de l’écriture.

2. Comment prépare-t-on une telle opération ?

Humblement, on se rapproche des concernés ! On s’y prend en amont, et on écoute les patients, soignants, accompagnants, on les sonde, on les regarde évoluer, on arpente les services pour identifier des envies et des besoins spécifiques. Chacun de nos programmes est pensé en étroite collaboration avec les bénéficiaires et ceux qui les accompagnent au quotidien. Ici, nous avions à nos côtés Farida Madaoui (assistante sociale, responsable de l’Escale, unité de médecine pour adolescents) et Cyrielle Parmentier (cheffe de service de néphrologie pédiatrique). Elles nous ont aidés à prendre nos marques et penser cette batterie d’actions de façon sensible et intelligente.

3. Comment approche-t-on un adolescent hospitalisé ?

On l’approche comme n’importe quel adolescent. Les premières secondes sont décisives, il s’agit de créer une relation éphémère qui se base sur la considération mutuelle et la complicité intellectuelle, sur l’humour aussi. Trouver le point de rencontre, d’accès. Guetter la fulgurance. On écoute, on s’intéresse, on considère, on évoque nos sensibilités en prenant des détours, en passant par le jeu, l’exercice, ce qui permet d’aborder des sujets profonds avec une apparente légèreté.

Un adolescent c’est « quelqu’un » : avec sa fierté, ses peurs, ses doutes, ses moments d’enthousiasme et d’exaltation.

J’essaye personnellement d’aborder cette jeunesse comme j’aurais aimé être abordé à leur âge et j’invite les artistes qui me suivent à en faire de même. On se garde bien de penser à leur place, on pose les questions et on écoute les réponses. Rapidement, ils se livrent et nous donnent beaucoup de matière pour les mettre en situation de créer quelque chose.

4. Comment avez-vous recruté et formé les artistes intervenant à côtés ?

J’ai fait appel à des camarades de longue date, habitués à ce type d’interventions. J’ai passé du temps avec eux pour les éclairer sur un certain nombre de points, les rassurer, leur donner des clefs et des outils pour aller au-devant des adolescents sereinement et leur offrir notre art. Le fait d’être présent sur l’intégralité de l’opération m’a permis de faire évoluer le projet artistique et pédagogique global d’intervention en intervention.

5. Les jeunes vous ont-ils communiqué leurs impressions à l’issue de vos interventions ?

Le climat qui s’établit dans ce type d’intervention permet souvent aux jeunes de s’autoriser à se livrer sur leur ressenti au moment de se quitter. Ils le font même assez spontanément. On entend des timides et enthousiastes « vous revenez bientôt ? », ou encore « j’en reviens pas d’avoir dit tout ça ! » amusés. Ils sont parfois curieux des autres « les jeunes se livrent facilement ? Vous avez eu des rencontres intéressantes ? Troublantes ? » - on répond sans trahir le secret.

On les sécurise, on boucle la boucle, et on leur promet de prendre soin de leurs confidences. C’est le luxe d’intervenir en tant qu’artistes. Nous ne sommes ni leurs parents, ni leurs profs, ni leurs éducateurs, ni leurs soignants. Si une confidence nous interpelle, nous prenons nos responsabilités et engageons le jeune à en parler avec son accompagnant ou responsable. Nous faisons également un travail de médiation - pour permettre au dialogue parent / enfant, soignant / patient, encadrant / encadré d’être renoué ; c’est important. Nous restons toujours vigilants (bien que l’approche reste ludique). Le biais artistique permet à beaucoup de choses de surgir, il faut être à la hauteur de ce qu’on déclenche chez eux. Prendre soin, nous aussi. Ne jamais jouer aux apprentis sorciers (c’est la raison pour laquelle le temps alloué à la formation est fondamental pour l’association Le vent nous veut).